Avoir des ennuis ou s'exprimer ?
Ça fait longtemps que je n’ai pas parlé de blogging… ça tombe bien nos politiques ont encore eu d’excellentes idées.
Je vous invite à lire l’article de Next INpact sur le projet de loi « Égalité et citoyenneté » dont je vous cite quelques passages :
- « Avec ce retour au droit commun, la prescription de ces actions civiles passera à cinq ans. Un mécontent pourra donc attaquer un grincheux plusieurs années après que celui-ci se sera délesté de quelques piques sur Facebook ou Twitter. »
- « Un sénateur s’estimant diffamé dans un article de presse ne pourra agir qu’en respectant les contraintes de ce texte : la prescription sera réduite, le journaliste pourra s’abriter derrière l’exception de vérité, etc. Si l’auteur de la diffamation est un particulier, le même sénateur pourra cette fois le poursuivre en suivant le chemin du droit commun devant les juridictions civiles. La prescription sera disions-nous de 5 ans et l’obtention de dommages et intérêts nettement plus aisée. « Toutes les contraintes prévues par la loi de 1881 disparaissent » a regretté en ce sens le gouvernement, opposé à la mesure. »
- « Un sénateur mécontent d’un article publié sur le Monde, et repris sur l’édition papier, ne pourra agir que dans les trois mois suivant cette publication. Un article publié dans nos colonnes numériques sera attaquable cette fois durant un an, tout comme des propos proférés sur les réseaux sociaux par un internaute. Et si le sénateur préfère agir sur le terrain du droit commun, il pourra, disions-nous, attaquer Mme Michu durant 5 ans pour obtenir réparation civile de son dommage. En somme, le texte crée une hiérarchie des garanties. Au sommet, la presse papier, au milieu les pure players, et à la base, bien plus démunis, des dizaines de millions de citoyens. »
La liberté d’expression est un sujet majeur, bien plus que simplement « important ». J’ai décidé de jouir de cette liberté d’expression qui m’est offerte. Je blogue principalement pour partager. Je ne gagne pas d’argent, je ne vise pas à être populaire, important, connu (sinon je n’aurais pas choisi Linux et les logiciels libres comme sujets principaux). Mes « gains » c’est de partager avec mes lecteurs, apprendre et me faire corriger, un mot sympa ou un merci de temps en temps.
Il m’arrive régulièrement d’être fatigué de bloguer, pas à cause d’une dure semaine, d’un rythme que je m’imposerais dans l’écriture mais bien à cause des interactions qu’impliquent l’exercice de la liberté d’expression. En tant que personne je peux me tromper, être énervé, révolté, agaçant, désinvolte, moqueur, insultant et tant d’autres choses. Ça peut donc faire réagir les lecteurs. Certains lecteurs sont parfois irrespectueux, pédants, insistants, insultants voire menaçants. En tant que blogueur je produis quelque chose et en le publiant je le soumets aux jugements de tous.
Les inconvénients poussant à arrêter d’exercer ma liberté d’expression pèsent bien plus lourds dans la balance que les avantages.
On fait les choses parce qu’on peut les faire. Je peux m’exprimer ? Oui. Sans charge et responsabilité ? Non et c’est bien normal car je suis soumis au respect strict de la loi. Cependant charges et responsabilités augmentent tellement qu’à un moment je ne pourrais plus assumer… et j’arrêterai. Réellement cette avancée législative m’interroge sur le fait de continuer à bloguer.
Le blogueur est responsable des commentaires. Autant les supprimer car ça évitera tout ennui… vous vous sentez concernés ?
On pourrait croire que je vise à convaincre d’une nécessaire impunité des blogueurs. Il n’en est rien. Ce qui se joue ici c’est le pot de terre contre le pot de fer. Au moindre problème ça peut aller très loin et coûter très cher, le blogueur se taira et obéira à la moindre menace.
Exercer sa liberté d’expression… mais à quel prix ? A quoi bon bloguer déjà… avoir des ennuis ou s’exprimer ?
Pour information :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2008/03/24/905-blogueurs-et-responsabilite-reloaded
https://www.nikopik.com/guide-juridique-et-responsabilites-des-blogueurs
http://www.nextinpact.com/news/101977-diffamation-lien-hypertexte-peut-relancer-delai-prescription.htm
Déjà 14 avis pertinents dans Avoir des ennuis ou s'exprimer ?
Les commentaires sont fermés.
Quand on voit certains torchons et la qualité des commentaires des journaux grands publics, on peut se dire qu’il y a de la marge avant que quelqu’un poursuive nos misérables blogs qui ne doivent pas causer énormément de préjudice.
Et quand bien même les actions commençaient à se multiplier au détriment de la vérité, un bon vieux effet Sreisand aura tôt fait de calmer les ardeurs.
J’ai bien mérité mon surnom pour le coup.
C’est un problème de société, ça dépasse le cadre des sujets que je traite (Libre, Linux) et de mes quelques écrits. Oui évidemment il y a peu de chances que ça me concerne mais c’est partir du fait que le blogueur est toujours tempéré, que le sujet n’est pas « chaud », que les lecteurs/commentateurs sont modérés et respectueux, que personne ne va être assez con pour porter plainte (ou menacer) pour s’être fait envoyer paître salement…
Le risque est sérieux c’est juste que ça ne t’est pas encore arrivé, un exemple récent : http://passiongnulinux.tuxfamily.org/2016/10/14/le-monsieur-injure-puis-menace-de-porter-plainte/
La menace est suffisante pour faire taire quelqu’un, ça va arriver de plus en plus souvent. Le pot de terre et le pot de fer, ça ne vaut pas le coup de « tenter » le diable et possiblement aller en justice. Le droit ne devrait pas s’insinuer autant et partout dans la société, le risque et la peur sont suffisants pour qu’on s’empêche de parler et dire ce qu’on pense. C’est une réalité et un danger immense.
Tcho !
Ou s’arrete nos libertés et ou commence la liberté des autres?
Justement je t’ai cité lol.
Tcho !
D’autre part tu mélanges sans distinction les articles et les commentaires.
Dans les premiers on se doit de dire des choses posées et sourcées même sans être journaliste sinon ce n’est que de la désinformation ou de la mauvaise foi. Dans les seconds, au pire on coupera les commentaires ou comme tu le fais déjà comme bien d’autres, on les modérera a priori.
Je ne défends pas le projet de loi mais je rejoins Cyrille sur le fait qu’il faut avoir le courage d’assumer ce que l’on dit et lorsque ce n’est que de la diffamation, un peu de ménage n’est pas forcément mauvais.
Par contre, si la liberté d’expression venait à en être bridée, ce serait bien mauvais signe pour ce que l’on appelle encore démocratie et pays des libertés, mais j’ose penser que les grandes gueules de français que nous sommes ne se laisseraient pas faire.
Tu devrais venir commenter plus souvent
« y a-t-il vraiment dialogue et liberté d’expression lorsque les gens s’envoient des insultes, diffamations et menaces ? » –> Un « vrai » dialogue (dans le sens où on s’écoute ce qui demande en général un minimum de choses dont le respect) probablement pas. Concernant la liberté d’expression, j’espère qu’elle ne se limite pas à dire « je vais bien, tout va bien, le monde des Bisounours est merveilleux ». La liberté d’expression c’est aussi dire « putain de merde mon boulanger a augmenté ses prix, l’éclair au chocolat est hors de prix ! Je vais allez chez son concurrent Mr Dupont ! ».
Je ne mélange pas les articles et les commentaires, je pense qu’on ne regarde pas au même endroit toi et moi. Mon regard se porte au niveau légal (loi), je suis responsable des articles comme des commentaires. Tu utilises « au pire », je trouve ça gravissime car tu minimises les risques et les enjeux. Tu peux te retrouver en justice parce que tu as laissé passer un commentaire diffamant. Tu as regardé le nombre de blogueurs qui ne font pas de modération a priori mais en automatique ? Tu penses que la majorité des blogueurs sont au courant des risques encourus ? Qu’ils s’en soucient ?
Quand tu dis « Dans les premiers on se doit de dire des choses posées et sourcées même sans être journaliste », je ne suis pas DU TOUT d’accord. Je te renvoie à mon article Polisse et notamment : « Évidemment le blogueur doit vérifier ce qu’il dit ! Euh… Ah mais non ! Le blogueur n’a pas vocation à dire la vérité, il faut davantage se tourner vers un journaliste ou un scientifique pour ça. Le blogueur a vocation à parler de ce qu’il a envie et comment il voit les choses. C’est SA vérité, pas nécessairement la vôtre. En réalité vous lui faites CONFIANCE pour qu’il vous dise la vérité. C’est le lecteur qui signe un chèque en blanc au blogueur, le blogueur ne signe rien du tout lui. Donc prière de toujours avoir votre esprit critique branché. »
Quand tu dis « il faut avoir le courage d’assumer ce que l’on dit », je ne suis pas d’accord non plus. L’erreur courante c’est que justement ce n’est pas « dit » mais « écrit ». Différence immense, il restera une trace et pendant de nombreuses années. Combien de personnes comprennent suffisamment les enjeux du numérique pour saisir cette subtilité ? Les procès de personnes ayant diffamées des proches ou des entreprises sur les réseaux sociaux te donneront une idée. Bien bien peu.
Mon article parle d’autocensure, de peur. Il n’y a pas besoin que ce soit plus « réel » que ça, il suffit juste d’instiller la peur. Je t’invite à lire cet article, je pense que tu saisiras mieux mon propos.
Tcho !
Et là, tu mélange l’écriture avec la lecture d’article dans ton lien. Bon, je suppose que c’est pour l’auto-censure.
J’en déduis que puisque tu as « peur », tu t’auto-censures donc, consciemment ou pas.
Moi, comme je suis un Bisounours invincible, j’y prête moins attention, je sais que je suis dans le camp des gentils et je n’ai pas peur de lire ou d’écrire. Et si un méchant vient m’embêter, je lui sors un joli cœur rose.
Tu es sûr que je devrais venir commenter plus souvent ? Je me sens un peu bizarre au bout de 3 commentaires.
Plus sérieusement :
– On va partir du principe que si on écrit, c’est pour être lu. Je pense que tu me l’accorderas ?
– Oui je m’autocensure parfois. Il y a des sujets qui me mettent en colère, je pense qu’on est tous humain et que certaines choses nous énervent. Si on se laisse aller, les propos peuvent être violents. Je considère tout de même et évidemment que c’est de la liberté d’expression… en revanche je ne prends pas le risque
– Je te laisse prendre connaissance de l’article de Frederic d’aujourd’hui : http://frederic.bezies.free.fr/blog/?p=15420. Dialogue, liberté d’expression, insultes, diffamations ? Je pense qu’on sera d’accord pour dire que c’est compliqué. Je pense aussi qu’on sera d’accord pour dire que c’est du blogging, qu’il s’exprime. A ton avis il aura des ennuis un jour ? Je pense pour ma part que oui, que c’est uniquement une question de temps. Et toi ?
Tcho !
« […] le projet de loi introduit une peine de stage de citoyenneté ». La version post-démocratique du camp de rééducation ?
Plus sérieusement, diffuser sur le web risque de devenir une roulette russe. En cherchant à savoir* ce qui pourrait constituer une « diffamation », on en vient à la conclusion qu’il faudra attendre d’être devant un juge afin d’en avoir le coeur net. Surtout si « […] une action intentée sur […] (une injure) pourra être réorientée vers la bonne appellation (une diffamation) par le juge, même durant l’audience. ».
Damien devrait donc modifier le titre de son billet du 28 novembre et remplacer « âge de pierre » par « une période antérieure indéterminée ».
* :
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32079
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32077
https://fr.wikipedia.org/wiki/Diffamation_en_droit_fran%C3%A7ais#L.E2.80.99exactitude_du_fait
Du soutien enfin ! Les Bisounours ne passeront pas !!
Merci à toi, Tcho !
– Oui on écrit pour être lu.
– Non il ne faut pas écrire tout ce que l’on a sur le coeur comme on ne dit pas tout aux gens qu’on aime sous le coup de l’émotion au risque de blesser et de le regretter (c’est à ça que sert un journal intime si on veut se décharger de ce que l’on a sur le coeur et ça n’a pas à être public)
– le billet de Fred est purement politique. Le jour où les français ne pourront plus se mettre sur la gueule à ce sujet on risque la dictature et la révolution juste après, donc non aucun risque. A voir le niveau des arguments électoraux dans les médias qui montre l’exemple du bashing, s’il fallait faire la chasse à la critique de chaque homme politique partout sur le net, il y aurait du boulot.
Donc non, il ne risque rien pour moi. Celui qui pourrait risquer quelque chose serait celui qui sortirait un scoop sur son blog ou les réseaux sociaux et qui viendrait à être partagé partout. S’il n’est pas vérifiable, le gars risque de se faire poursuivre donc il vaudrait mieux qu’il passe par un journaliste ou WikiLeaks.
Encore une fois, ça ne nous concerne vraiment pas.
« C’est ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus »
Tcho !