Le blog de la tentation
Cela fait plusieurs semaines que je me rends compte que je n’ai pas donné de nouvelles, je crois que c’est le moment.
Le bilan de santé de notre président.
J’ai toujours évoqué ma santé quand j’ai blogué, anti-dépresseurs, ciflox, hémorroïdes, je n’ai jamais rien épargné. L’idée ce n’est pas de tomber dans l’intime, dans l’indécent, l’idée c’est de montrer que la santé c’est fragile et que comme dirait le suprême NTM tout ne tient qu’à un fil. L’idée c’est aussi de montrer qu’être travaillomane t’amènera certainement plus vite au cimetière et qu’à la sortie tu n’auras pas d’ordre du mérite. Et surtout qu’avec l’âge, tu apprends que tout n’est qu’une question d’équilibre.
Il y a environ six semaines ma collègue faisait son rendez-vous de carrière. Avant d’aller plus loin il faut que je vous explique comment fonctionne la contractualisation dans l’enseignement agricole privé. Je ne suis pas fonctionnaire, je suis en CDI avec l’état, c’est je crois suffisamment rare pour être remarqué. En début de carrière vous êtes engagé par le ministère et c’est l’inspecteur qui valide le contrat. Vous êtes alors dans une grille obscure qui s’appelle la catégorie 3 de l’enseignement c’est-à-dire enseignant sous payé. Lorsque vous avez l’âge et le nombre d’années d’expérience nécessaire vous avez la possibilité de changer de catégorie pour être sur la même grille que vos collègues mal payés. C’est cette seconde inspection qui vous fait passer de sous-payé à mal payé et c’est déjà beaucoup. Cela veut dire que jusqu’il y a environ deux ans, un enseignant de l’agricole privé ne voyait qu’un inspecteur deux fois dans sa carrière. C’est une situation qui est totalement ubuesque car l’inspecteur c’est le guide, c’est la lumière dans la nuit c’est le phare d’Alexandrie, Alexandra, j’ai plus d’appétit qu’un barracuda. N’allez pas croire que je fasse du cirage de pompes, c’est quelque chose que je pense le plus sérieusement du monde. D’une part l’inspecteur c’est le gars qui écrit les référentiels mais c’est aussi le gars qui arpente la France et qui chaque jour voit des salles de classe. Il ne s’agit donc pas de gens éloignés de la foule, bien au contraire.
Cela faisait donc respectivement 11 ans pour ma collègue et 9 ans pour moi que nous n’avons pas vu un inspecteur de maths dans un entretien individuel. Ceux qui ont suivi se demanderont ce que je fais au milieu, c’est bien simple, l’inspecteur a proposé à l’équipe de maths de venir manger avec lui. Et c’est ici qu’on voit la grande différence entre l’avant et l’après la relation face à l’inspecteur. Tous les inspecteurs que nous croisons désormais sont dans une démarche de communication, nous donne le mail, nous propose un coup de main si nécessaire. À l’époque, il faut bien s’imaginer que l’inspecteur te croisait deux fois. Il était alors particulièrement important d’appuyer sur le syndrome de l’imposteur, pour te faire comprendre que tu ne serais jamais à la hauteur de ta paye misérable. Ah ça je peux vous dire que la vieille école de l’inspection savait faire pour te faire comprendre que tu étais une grosse merde.
Et là c’est le drame. Nous mangeons avec l’inspecteur, je vous épargnerai les détails pédagogiques mais suite à une manipulation de mon esprit il a ouvert totalement mes chakras et m’a donné accès au septième sens ce qui fait que je porte désormais très dignement l’armure du zèbre d’or à crête mordorée et qu’accessoirement je refais tous mes cours. Le soir, je suis plutôt pas au top, je commence à avoir des migraines, mal de gorge, je suis fatigué, enfin bref tous les symptômes du COVID. Le mercredi voyant que ça ne s’arrange pas alors que je remonte toujours, je vais me faire tester. L’avantage de vivre dans un village c’est que tout est plus facile. Les infirmières font une permanence tous les matins de 8h à 8h30, je me fais donc casser gentiment le nez. J’informe mon chef et nous chantons les cantiques ensembles pour qu’on ait pas besoin d’informer l’inspecteur de maths qu’il est cas contact ce qui aurait donné directement lieu à la fin de ma carrière et à une ogive nucléaire sur l’établissement. Négatif.
Je passe environ quatre semaines dans un état minable avec le mal de gorge qui est devenu de la toux, et voyant que ça ne s’arrangeait pas j’ai fait un second test sans résultat. Aujourd’hui encore quand je vous écris ces lignes, je suis dans un état pas terrible et j’ai la conviction d’avoir eu le COVID mais de m’être fait testé un coup trop tôt puis un coup trop tard.
un diner presque parfait
Comme vous et à ma plus grande surprise, j’ai découvert que j’étais confiné. Je dois reconnaître que dans le sud on misait tous sur le confinement des parisiens mais nous avons oublié que Paris étant la France, fermer boutique en région parisienne c’est forcément fermer la France. La boutade anti-parisianisme est en fait plus profonde que cela. Dans mon établissement, dans mon entourage d’enseignants, on ne peut nier l’évidence, le COVID est palpable mais sous contrôle malgré le manque de volonté des élèves pour qui le port du masque et les gestes barrières ça commençait à devenir particulièrement compliqué. Néanmoins les contaminations étaient gérées, des cas contacts parfois de complaisance, des malades mais dans le cercle familial quasiment jamais dans l’établissement scolaire. Ça serait mentir que d’expliquer que nos établissements étaient sous pression. Seulement et c’est ici que la politique s’en mêle, essayer d’offrir le plus d’homogénéité sur le territoire pour éviter une disparité trop importante entre les enfants afin de maintenir un maximum d’équité. Car si ça voyait trop, des associations de parents iraient expliquer que les petits Parisiens ont fait quinze jours de distanciel de plus que les petits sudistes et donc c’est un motif suffisant pour crier à l’inégalité. En fermant toute la France, Jean-Michel Blanquer pourra espérer au moins le DNB et le grand oral mesure phare de sa réforme, même si bien sûr des voix se lèvent pour passer au contrôle continu. Seulement l’an prochain c’est 2022 et on vote, il faudrait quand même que le pauvre homme puisse au moins voir sa réforme mise en œuvre. On entrera pas dans la théorie du complot mais nous savons que tout n’est pas qu’une question sanitaire sinon on pouvait pour notre part continuer, ça n’aurait pas changé grand-chose, enfin si ça aurait tout changé mais ça on le verra plus loin.
Nous sommes le vendredi avant le confinement et je dois m’organiser, je dois tout organiser. J’ai la chance d’avoir des élèves en stage et d’être à la maison mais les mauvaises habitudes étant ce qu’elles sont, je mange sur le pouce un morceau de pain avec un fromage à l’ail. Je saute dans la voiture pour aller récupérer ma fille chargée de l’intégralité de ses affaires, il y a du monde de partout, je me prends un coup de pression, je ne sais pas comment je vais arriver à son établissement. Tout Narbonne est saturé, les gens prennent d’assaut les magasins pour acheter une paire d’Adidas ou certainement une décoration chez GIFI. Les images vous les avez vues à la télé, elles démontrent que la société de consommation a bien fait son œuvre. Encore heureux qu’il ne s’agit que d’un confinement où l’on peut respirer à loisirs que nous ne sommes ni frappés par la faim, les bombardements ou à trembler face au moindre claquement de bottes (GODWIN !), le jour où c’est vraiment la merde, en moins de trois jours c’est la guerre civile tant les comportements sont égoïstes et irrationnels. Je récupère ma fille, on finit par rentrer à la maison, je m’effondre. À 21 heures je gerbe mes tripes. J’ai reçu un message dans le courant de la semaine de quelqu’un qui me remerciait, parce que mon blog c’est des souvenirs d’un type qui affronte le quotidien la tête haute, un partner, des cumulus et des canalisations. Je vous garantis que l’épisode des camions à caca est loin derrière moi, 12 heures à me vider, 3 kilos de perdu. Je pèse désormais 86 kilos, j’ai perdu environ 16 kilos en plus de deux ans, j’ai récupéré le poids de mes 21 ans. J’aime beaucoup, ça ferait un bon titre, 25 ans plus tard il retrouve le poids de ses 21 ans
La difficulté de trouver les mots parce que rageux un jour, rageux toujours
Je démarre donc ce second confinement sur les rotules et je reprends le chemin de la visio de façon modérée, comme je l’ai dit je n’ai qu’une classe en distanciel les autres, les collégiens sont en stage. Comme on est quand même en seconde générale je fais de la visio et désormais je fais de la visio en version hardcore. Le jeudi, le lendemain des annonces du président Macron, on a déjà commencé à voir les comportements irrationnels des élèves, une ambiance de vendredi veille des vacances de Noël. Des élèves euphoriques, des élèves avec le masque sous le menton, des élèves qui j’ai appris, le vendredi avaient refusé de faire cours. La visio version hardcore c’est très simple, quand je trouve que c’est trop mou, je commence à faire l’appel, les gosses qui ne répondent pas en trois secondes je les vire et j’envoie un message aux parents pour expliquer que je suspecte l’enfant de faire autre chose. Je vous garantis que mes visios sont d’une intensité rare et là où vous pourriez crier au salaud, il s’agit désormais de la seule parade pour être certain d’avoir des élèves qui suivent. La visio pour la majorité de nos élèves c’est se connecter, couper le micro, couper la webcam, et faire autre chose et là je parle pour mes élèves qui utilisent des produits qui fonctionnent, les produits Microsoft.
Ma fédération utilise Teams, le CNED, les ENT, étaient dans les choux, Teams est increvable, vous comprenez bien que les hackers Russes étaient particulièrement préoccupés par l’école à la maison en France, nous sommes déjà tellement bien classés chez PISA qu’une semaine de boulot, la France pourrait sauver et conquérir le monde une baguette de pain sous le bras. Encore heureux que les Russes sont là pour stopper la domination française. Mon explication certainement moins guerre de l’internet laisserait imaginer que les serveurs n’ont pas tenu la charge car l’indépendance française c’est une gestion par des gens qui n’ont pas forcément les infrastructures et les compétences pour faire tourner le système. Le fait que les GAFAM tiennent quoi qu’il arrive laisse songeur, la polémique de Blanquer face à OVH fleuron français ne fait que semer le doute dans une éducation nationale où l’on rêve de galocher Microsoft. Mon frère qui partage le même métier que moi dans sa version éducation nationale me disait que le prétexte numéro un chez ses élèves c’est « ça marche pas ». Concrètement, il faut comprendre qu’il n’y a aucune motivation de la part de nos enfants, que tous les moyens sont bons pour ne rien faire sans assumer, que le drame qui se joue sous nos yeux d’un point de vue éducatif est totalement inimaginable. Je lisais des gens qui s’insurgeaient contre Louis Croix Bâton, j’ai des enfants qui croient que la lettre pi c’est T T, la première fois en 18 ans de carrière. Et il faut comprendre que cela n’a pas de rapport avec le confinement, les gamins de troisième n’étaient pas confinés il y a trois ans quand ils calculaient le périmètre du cercle en sixième.
ceci n’est pas une visio de Cyrille
Il s’agit de la seconde version que j’écris de ce billet. Même si le propos est cassant, cela reste un propos qui est plus dans le drôle, dans le témoignage que dans la rage, que vous compreniez un peu comment ça se passe. La première version était particulièrement hardcore, je venais de recevoir une mauvaise nouvelle, pix devient facultatif à cause du COVID. pix est une certification informatique, j’avais déjà écrit dessus et on nous a mis un énorme coup de pression par rapport à ça, je me suis beaucoup investi pour arriver à la certification, que nous allons tout de même faire passer. Cette année seulement les troisièmes devaient le passer et je vous raconte pas la galère que ça a été pour réussir à les rendre certifiables. En fait si je vous le raconte de façon très professionnelle ici. Quand j’ai écrit ce billet dans sa version une, j’étais malade, j’étais envahi par la négativité et j’en reviens aux raisons initiales qui m’ont poussé à arrêter l’écriture. Je suis un rageux et je ne me refais pas, l’âge passe, les intentions sont les bonnes mais dans les mauvaises circonstances, j’écris encore et toujours comme un berseker la bave au bord des lèvres.
J’avais commencé à écrire une bafouille sur ce document : An open letter to remove Richard M. Stallman from all leadership positions.Il s’agit d’une lettre avec plusieurs milliers de signataires pour demander à ce que RMS dégage de la FSF. Du fait que sur le blog-libre le lectorat est pro Linux et logiciel libre vous connaissez l’histoire. Dans les très grandes lignes, les propos de RMS dans l’affaire Epstein, ont conduit le gros barbu à la démission afin de protéger l’institution du logiciel libre. Le barbu est de retour et forcément ça fait réagir pas mal de monde, on notera d’ailleurs le positionnement de Framasoft qui figure en vingtième position des signataires. J’avais commencé à écrire un énorme flame et puis finalement je me suis rendu compte que j’étais comme RMS, un homme du passé.
Je me suis pas mal intéressé au phénomène de la cancel culture dernièrement, que j’ai expliquée notamment dans mes cours de SNT. Disney qui vire ses vieux animes racistes, les gens dans twitter qui suppriment leurs messages embarrassants, Pépé le putois qui disparaît des Looney Toons ou Dragon Ball interdit en Espagne à cause des personnages trop marqués, tout le monde est en train de refaire l’histoire, de se refaire une histoire. C’est à mon sens l’une des plus grosses saloperies qui est en train de se produire, face à des jeunes qui ne s’instruisent plus, face à des jeunes qui n’ont plus les codes, entre des sociétés qui se rachètent une image et qui essaient de gommer le passé à des groupes de pression qui décident de ce qui doit être bien ou mal, les réseaux sociaux montrent une fois de plus que c’est un problème que devraient prendre les états de façon urgente. Nous sommes dans une ère du politiquement correct exacerbée c’est une évidence, ce puritanisme à l’américaine dont tout le monde se moquait il y a vingt ans et qui déferle en France et en Europe. La vigilance est toujours de mise face à ceux qui veulent refaire l’histoire, dans certaines circonstances ça s’appelle du révisionnisme. Je fais deux points Godwin dans le même sujet. Quel est donc le rapport avec RMS me direz vous ? On pourrait penser que dans ces temps où l’on s’interroge sur le fait de séparer l’œuvre de l’artiste, si Gainsbourg pourrait encore chanter, que finalement RMS est une victime de ce que nous vivons aujourd’hui.
Je pense que c’est beaucoup plus simple que cela qu’il est un homme du passé, un homme d’une autre époque. Et comprenez que lorsque je me vois commencer à rager, que je me vois prendre le clavier noyé dans ma négativité, je me dis que je suis un homme du passé et que lorsque les éléphants sont trop vieux, la seule direction possible c’est le cimetière. RMS et moi avons certainement le même problème, une nature qu’il est trop difficile de changer, une nature qui ne correspond pas à notre époque, l’homme devrait avoir la lucidité de comprendre qu’il est plus le problème que la solution. Cette question finira certainement par se poser pour d’autres individus du logiciel libre, on peut penser à Torvald par exemple, maintes fois au centre de problèmes de communication au point lui aussi de se mettre en retrait et faire une thérapie. Chassez le naturel …
Épilogue
Hier soir j’ai renouvelé le nom de domaine, y a un gars qui voulait me le racheter. J’ai fait trop de trafic au sens propre sur le NDD, je suis forcé de me le garder du peur d’avoir la surprise de voir mon nom associé à des casinos, de la vente de bière chinoise ou autre, un fardeau. J’ai eu la forte tentation de remonter un blog de dégueuler ma rage, et finalement j’ai laissé passé l’orage et j’ai eu raison de le faire. Alors que je voulais expliquer que le libre c’est de la merde, que l’arrêt de pix c’est de la merde, que tout est de la merde et qu’on vit dans un monde de merde, j’ai finalement réussi à faire une analyse posée sur pix sur mon site officiel(oui je backlink sans honte), j’ai réussi à vous pondre un billet sur la situation actuelle de l’école qui ne s’arrange pas, à vous dire que tout va bien ne vous en faîtes pas. Si la version 1 de ce billet n’est pas parue, c’est du fait de ne pas être chez moi. je n’aurais pas voulu que Cascador se retrouve avec un billet trop violent à devoir gérer, une forme de politesse. Je ne suis toujours pas mûr pour remonter un blog.
Nous nous quittons sur menace de mort de Youssoupha, un RAP qui va fêter ses 10 ans, un RAP d’une autre époque, un RAP qui explique qu’il y a de la rage dans mes propos mais comment rester sage, vu l’image de la vie que l’on nous propose ?
En vous souhaitant une excellente santé à tous, j’espère que cette période de quatre semaines sans conduire, sans excès, sans salle de classe, face à la mer me fasse évacuer mon fond de COVID virtuel ou pas.
Déjà 5 avis pertinents dans Le blog de la tentation
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bref, tout ce billet pour dire « business as usual » 😀
Tcho !
bises d’alsace